SOHANE SONG

C’est moi qui vous parle depuis l’ciel, mon corps n’est plus il reste mon âme, et j’vous l’dis sans honte et sans fiel, l’pauvre il a péri dans les flammes. D’là-haut j’m’interroge un peu, je r’vois ma vie comme au ciné, car j’m’attendais pas mais sérieux, pas du tout à finir calcinée. Il paraît qu’on m’a fait une belle plaque, quel dommage j’peux pas la toucher, mais tant d’attention ça m’fout une claque, au point d’en rester bouche bée. Excusez–moi si j’ai du mal à parler, c’est à cause d’une histoire éprouvante, mais j’voudrais surtout pas déranger, avec mes pauvres mots d’torche vivante. C’est vrai j’étais un peu trop fragile, et même un peu trop rétive, mais était-ce un bon mobile, une bonne raison d’me brûler vive ? C’est vrai j’étais un peu trop fière, et même un peu trop belle, mais fallait-il que j’quitte ainsi cet’ terre, qu’j’finisse dans un local à poubelles ? Peut-être j’étais pas assez limpide, et il paraît que j’manquais d’patience, c’est vrai j’ai été top rapide, quand j’suis partie dans les vapeurs d’essence. Peut-être que j’ai r’fusé la loi du plus fort, que j’ai pas voulu m’écraser, et pour ça j’ai atterri chez les morts, pour ça j’ai fini dans un brasier. On parle peu d’moi dans la presse, les médias oublient mon corps incendié, j’ai pas droit à leurs caresses, comme s’il fallait à tout prix m’éviter. J’reviendrai vous voir d’temps en temps, et j’dégagerai un drôle d’arôme, un parfum bien inquiétant, un peu comme tous les fantômes. C’est vrai j’étais un peu trop fragile, et même un peu trop rétive, mais était-ce un bon mobile, une bonne raison d’me brûler vive ? C’est vrai j’étais un peu trop fière, et même un peu trop belle, mais fallait-il que j’quitte ainsi cet’ terre, qu’j’finisse dans un local à poubelles ?